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Des pistes cyclables aux feux intelligents : l’IA au service de la mobilité douce

  • amellouzguiti
  • il y a 16 heures
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 20 minutes

À l’heure où la mobilité urbaine cherche à réconcilier sécurité, fluidité et respect de l’environnement, l’intelligence artificielle apparaît comme un outil pertinent pour explorer des solutions de gestion du trafic. Dans sa thèse intitulée « Algorithmes d'apprentissage pour le cyclisme urbain : modèles implicites et infrastructure dynamique », publiée en 2024, Lucas Magnana, alors doctorant au laboratoire CITI (2), a plongé méthodiquement dans les données comportementales des cyclistes et a utilisé des algorithmes récents d’intelligence artificielle. Un travail innovant qui démontre également la possibilité de réconcilier les apports de l’IA avec les impératifs écologiques. Explications.

 

Pour améliorer les infrastructures cyclables, encore faut-il être en mesure de percer les mystères des choix des cyclistes dans leurs itinéraires. Or, ces choix ne sont pas toujours les plus courts, ni les plus rapides : confort, sécurité, habitudes ou préférences individuelles entrent aussi en jeu. « Il est important d’être capable de reproduire le comportement des cyclistes dans le but de mieux le comprendre. Cela participe à la création d’infrastructures plus pertinentes, incitant à un changement modal vers le cyclisme au sein des villes », indique Lucas Magnana.

 

Faire parler les données 

Partant de ce postulat, le doctorant a ensuite développé une méthode innovante pour modéliser les choix implicites d’itinéraires cyclables, sans recourir à des questionnaires ou à des hypothèses comportementales trop rigides. À partir de données GPS collectées dans deux contextes très différents — le programme Véléval (trajets domicile-travail à Lyon et Saint-Étienne) et MonRésoVélo (crowdsourcing à Montréal) — il a conçu un système capable de générer un trajet réaliste entre deux points, reproduisant le comportement observé dans les données. « Nous avons remarqué que les cyclistes ne prenaient pas forcément le chemin le plus court entre leur origine et leur destination ; 95 % des cyclistes sont prêts à faire des détours de moins de 2,5 kilomètres pour atteindre leur destination ». A la clé du travail de Lucas, des résultats encourageants. « Le résultat de notre étude permet de proposer une méthode permettant de créer des itinéraires cyclables pertinents uniquement à partir des traces GPS des cyclistes. Ces derniers sont de meilleure qualité que ceux proposés par des services commerciaux qui eux calculent le chemin le plus court en pondérant l’environnement routier ».

 

Sécuriser et cohabiter 

Jeune femme à vélo dans la ville de Lyon
Crédits : Naufal Huda Subiakto/Unsplash

Après s’être intéressé aux itinéraires cyclables optimisés dans les zones denses et avoir exploré les stratégies comportementales des cyclistes, Lucas a élargi son approche à un autre levier clé : la gestion des feux de circulation. « Séparer les flux de vélos et de véhicules motorisés est une manière efficace d’inciter à l’utilisation de certaines routes. Cela se fait classiquement par la construction de pistes cyclables séparées physiquement des voies de voitures. Mais une autre solution, sans modifier la voirie, est possible, avec à la clé un gain de place. On peut tout simplement, sur un même tronçon, faire cohabiter les automobilistes et les cyclistes, en séparant les flux de vélos et les flux de véhicules motorisés par le biais de feux de circulation », précise Lucas. Et celui-ci d’ajouter. « Cela permet à la fois de sécuriser les cyclistes à des endroits particulièrement dangereux et aussi par la même occasion de les inciter au bon respect des feux rouges ».

Pour cela, Lucas a utilisé l’IA et plus particulièrement le « Deep Reinforcement Learning » (DRL). Derrière ces termes un peu barbares, il s’agit simplement de faire apprendre à la machine à interagir avec son environnement, un peu comme un animal ou un humain, afin qu’elle prenne des décisions maximisant une récompense sur le long terme. Aujourd’hui, le DRL est encore en phase de recherche avancée dans de nombreux domaines, mais il commence à trouver des applications concrètes dans plusieurs secteurs.

 

De nouvelles perspectives de mobilité

Grâce à cet apprentissage, la thèse de Lucas Magnana propose des feux de circulation capables de s’adapter en temps réel au trafic, en accordant des phases vertes spécifiques aux cyclistes. Fait remarquable : malgré des flux de voitures plus importants, l’agent choisit fréquemment de privilégier les cyclistes sur certains axes. Un biais qui interroge sur la notion d’équité dans la gestion intelligente du trafic. Une telle orientation pourrait, à terme, nécessiter une reconfiguration de la fonction de décision pour éviter ce type de décision. Ces résultats, bien que très encourageants, s’appuient sur des environnements simulés : la modélisation du trafic repose encore sur des schémas simplifiés et des comportements idéalisés. De futures expérimentations intégreront des comportements plus réalistes, ouvrant la voie à un déploiement à plus grande échelle.

 

Alors que de nombreuses villes repensent leurs infrastructures pour accompagner la transition vers des mobilités plus durables, ce type d’approche offre des perspectives concrètes et mesurables. Il ne s’agit plus seulement d’aménager des pistes cyclables, mais d’intégrer pleinement le vélo dans une gestion dynamique et équitable du trafic urbain. Sans pouvoir remplacer le dialogue humain pour contribuer à un partage de la route fluide, l’IA, par ses capacités immenses, vient éclairer de nouveaux usages et proposer de nouvelles perspectives en matière de mobilité urbaine.

 


(1) Centre of Innovation in Telecommunications and Integration of service (INSA Lyon/UdL/Institut Carnot/Inria)


"Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse. Le monde des hommes est un monde en accélération constante. Dans un univers où tout se transforme si rapidement, la prévision est à la fois absolument indispensable et singulièrement difficile."

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Gaston Berger

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